Quel est la finalité du rapport ? Est-ce que son objet est un rayonnement purement économique ?
Aujourd’hui, la dynamique économique est une conséquence de notre capacité à rayonner et à être attractif. Ce rayonnement peut être culturel, civilisationnel, c’est-à-dire fondé sur des valeurs, ou autre. C’est ce qui s’est passé dans la Silicon Valley, qui est devenu un lieu favorable à l’impulsion d’innovations. À l’heure où nous assistons à une transformation de la ville par le numérique, est-ce que la France à une place et une vision à exprimer ? Est-ce que des entreprises françaises s’intègrent dans cette vision, prenant en compte notamment une considération "française" de la gouvernance des données ?
L’aspect économique est important ; la French Tech est par exemple une formidable dynamique pour notre économie, et cela parce qu’elle s’appuie sur des écosystèmes qui se sont constitués entre les acteurs académiques, de la recherche, des start-up, etc. et qui sont animés par des collectivités territoriales. Au niveau de la ville intelligente, il y a également quelque chose à faire. Nous nous sommes rendus compte que la France était absente des principaux classements internationaux en la matière. Or, nos territoires ont un bon niveau de maturité. Nous avons donc une place à prendre ! Notre projet de société – dans laquelle il y a un volet économique – est exportable.
À quoi ressemble ce modèle français mis en avant dans le rapport ?
La question de la donnée est fondamentale. En France, nous pouvons en faire un enjeu de progrès, avant un enjeu de profit. Une autre caractéristique du modèle français, c’est l’aspect régulation publique. Parfois, les "normes" peuvent nous paraître freiner l’innovation ; mais la régulation, à un bon niveau, est très recherchée à l’international, où les projets de villes intelligentes sont souvent imposés par des industriels qui préemptent les territoires. Chez nous, c’est différent : l’acteur public est un animateur, un catalyseur qui peut intégrer des philosophes, des sociologues, etc. dans la fabrication de la ville, et associer, à un moment, des industriels proposant des solutions pertinentes au regard de ce qui, pour nous, est essentiel, à savoir le citoyen.
Ce rapport vous a été commandé en 2016 ; or, le secteur évolue rapidement. Comment votre regard a-t-il changé en deux ans ?
Il y a eu une prise de conscience de ce qu’était la transformation numérique, que ce soit au travers de la Loi pour une république numérique, de la question des grandes plates-formes, du sujet de la désintermédiation des services... Mais, en dehors de ça, il y a, à mon avis, quelque chose d’encore plus fort : c’est la manière dont les industriels se positionnent sur le sujet. Longtemps, ils ont eu une approche hégémonique de la transformation numérique ; à présent, ils sont de plus en plus à penser "co-design", à être à l’écoute de la prescription des usagers, à essayer d’hybrider leurs solutions avec les besoins exprimés par un territoire... C’est assez nouveau et très certainement lié à la montée en compétence de l’ensemble des décideurs sur la question numérique.
Cette interview est extraite d’un entretien mené avec Akim Oural et Florence Durand-Tornare, deux des co-auteurs du rapport "Vers un modèle français de villes intelligentes partagées". Retrouvez-en l’intégralité dans le n° 19 de Smart City Mag, à paraître en septembre !