Le 19 mars dernier le pôle de compétitivité EMC2 de Nantes lançait un appel en ligne. Son objet : « recenser tous les équipements d’impression 3D », afin notamment de construire des pièces d’un respirateur artificiel, ou encore des masques de protection, essentiels en pleine crise sanitaire du Covid-19. À date, pratiquement 250 industriels, associations ou particuliers se sont manifestés des quatre coins de la France, certains possédant plusieurs dizaines de machines. « Il est intéressant de se préparer en cas de besoin pour pouvoir démultiplier la production de pièces validées par les services de l’État. Tous types d’impressions 3D sont concernés : plastiques, élastomères et métal », circonstancie Laurent Aubertin, directeur des opérations du Pôle EMC2. Le recensement a l’assentiment des ministères de l’Économie (direction générale des entreprises), de l’Enseignement supérieur, mais surtout le soutien de Nantes Métropole.
Son conseiller métropolitain et adjoint au numérique Francky Trichet ne retient pas son enthousiasme : « On a surtout aidé par la mise en réseau. Ce qui était une initiative locale est devenu un travail collectif national. C’est allé bien plus vite qu’on le pensait ». Dans la région, des masques se dupliquent déjà par milliers, sur la base de prototypes imaginés vers Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) ou Les Sables d’Olonnes (Vendée). Avec tout de même des problèmes de normes et de solidité. Car son volet le plus prometteur reste sans nul doute le prototype d’assistant respiratoire artificiel qui a recours à l’impression 3D, baptisé MakeAir. « Nous sommes en relation étroite. L’un va avec l’autre ! » appuie Laurent Aubertin, du Pôle EMC2. Même si les Pays-de-la-Loire s’avèrent pour l’heure bien moins touchés que d’autres territoires en France, avec 116 personnes en réanimation au 30 mars, l’appareil est vital pour pouvoir soigner les malades atteints gravement du Covid-19.
« On entre dans une phase cruciale »
Aux manettes de MakeAir, on trouve Antoine Gouraud, responsable de la nouvelle clinique des données du CHU de Nantes et l’entrepreneur nantais Quentin Adam, fondateur de Clevercloud. Des tests du respirateur développé en ont eu lieu la semaine passée et un test clinique est en cours depuis quelques jours. « On a des délais très serrés à respecter » glisse Quentin Adam, avec en arrière-fond des bruits d’imprimantes. Plus de 150 personnes y contribuent désormais, dont 80 à plein temps, des développeurs aux chercheurs. Un travail collaboratif qui se fait principalement en ligne tandis que l’assemblage d’essai se fait dans un vaste atelier dédié dans le centre de Nantes.
« Le soutien va de petites entreprises nantaises, à l’origine du projet, à des ingénieurs ou des appareils fournis par des boites plus grosses comme Safran, Iliad-Free ou Michelin. Les plans, le code et l’électronique demeurent cependant open source [code source ouvert] » détaille Quentin Adam, alors que des vidéos en coulisses de MakeAir sont régulièrement postées. Antoine Gouraud, du CHU de Nantes, y répète que « la crise pandémique du Covid-19 a mis sous pression tant les équipes de soin que les établissements de santé et leurs équipements. Pour les équipes, on ne peut pas faire grand-chose à part rester chez soit et exprimer son soutien. Pour les machines, on s’est lancé ce pari un peu fou par contre ». Logistiquement, Nantes Métropole fournit le service de livraison du dernier kilomètre au collectif. Et l’élu Francky Trichet de s’afficher « optimiste », mais prudent : « on entre dans une phase cruciale où il faut passer de la logique de makers [créateurs] à un protocole hospitalo-universitaire ».