Wise City, une Smart City 2.0 ?
La Smart City est une ville intelligente dans laquelle l’utilisation des TIC est partie intégrante. Dans celle-ci, les bâtiments, la charge des véhicules, ou encore la gestion des déchets sont connectés et reliés. Ces interconnexions permettent de monitorer les évolutions de la ville grâce à la collecte d’informations, et in fine d’anticiper puis d’optimiser les consommations énergétiques notamment.
Étroitement reliées par un enjeu commun - l’objectif de créer des villes “durables” - les Smart et Wise Cities ont néanmoins plusieurs différences. Le concept de Wise City se démarque principalement par un pilier fondamental, celui de l’intelligence collective ou “User Driven Innovation”, consistant à impliquer le citoyen à chaque étape de la conception d’un projet. La notion de Wise City porte plusieurs enjeux disruptifs présentés dans la suite de cet article, à l’instar de l’ambition d’une sobriété globale, qu'elle soit énergétique ou numérique.
Les ambitions d’une Wise City
Les projets de Wise City se basent sur plusieurs piliers :
1/ L’intelligence collective au cœur du projet
La Wise City implique de questionner tous les éléments structurants d'une ville : qui de mieux que ses propres habitants pour rythmer le projet ? Pour développer la confiance, l’acceptation et l’engagement mais aussi et surtout pour une ville qui répond aux besoins directs ; le premier pilier de la Wise City est donc le citoyen.
A titre d’exemple, Daniel Latorre, créateur de TheWiseCity.org, a développé un outil sous forme de cartographie sociale ou “crowdsourced mapping”. Il permet aux habitants de proposer leurs idées sur une carte interactive et de voter pour celles-ci. L’outil a été développé pour un projet de tracé de pistes cyclables à New York, les habitants ont pu y participer en définissant les lieux les plus propices à l’installation de stations. Cela permet également aux “gestionnaires” d’identifier les espaces prometteurs.
2/ Sobriété
Une attention croissante est adressée à la réduction de notre empreinte carbone et la notion de sobriété est essentielle. La Wise City a pour ambition de développer une ville moins énergivore, d’optimiser la mobilité et de réduire nuisances et pollutions. Tout cela au profit de la population, des collectivités locales et du climat. Le but est d’utiliser au maximum l’existant de manière raisonnée et durable pour dégager le plus de valeur au coût total le plus intéressant. Un exemple médiatisé est la solution Tee-bike permettant via l’ajout d’un composant simple la transformation d’un vélo classique en vélo électrique. Cette solution s’inscrit dans la philosophie 5R en permettant le réemploi d’un objet à priori obsolète et ainsi l’économie d’un investissement matériel.
La poursuite de l’objectif d’une ville dite “Wise” s’applique également à la donnée, et dans ce sens le phénomène “Big Data” est mis en opposition à la logique “Wise Data”. En 2017, la donnée représentait 3% de la part d’électricité consommée par les datacenters en 2017 dans le monde, et cette consommation double tous les 4 ans environ. Google, mauvais élève sur ce volet de par son activité, est néanmoins à l’initiative d’une démarche de sobriété grâce à l’utilisation d’intelligence artificielle pour réduire de 40% la consommation des datacenters.
3/ Ville résiliente
Les projets Wise City ne sont pas nécessairement directement liés aux TIC, cependant la donnée sera toujours prise en compte dans chaque projet. Il faut systématiquement y associer la protection de celles-ci. Pour cela la Wise City passe par la Data Resiliency ou cyber résilience : elle doit être capable de dépister et résister aux chocs ou attaques. En 2020, plus d’une dizaine de collectivités ont été cibles d’attaques (Aulnoye-Aymeries, Marseille, Charleville-Mézières, Mitry-Mory,...) contre des rançons pouvant aller jusqu’à 150 000€. Le phénomène a connu une recrudescence depuis le premier confinement avec l’avènement du télétravail pour les agents des mairies, qui accroît la vulnérabilité en termes de sécurité informatique.
La Wise City, une ville ouverte, agile et pour les citoyens
Fréquemment remise en question, un reproche récurrent à la Smart City est que le citoyen est davantage perçu par le prisme de son rôle de consommateur plutôt que d’acteur clé du développement de la ville. La Wise City étant « Citizen driven », le produit final devra être conçu pour répondre à un besoin formulé, étudié et validé par le citoyen.
Des analogies entre la Wise City et la méthode agile couramment utilisée dans les projets IT en entreprise existent. L’agilité repose sur des principes simples : travailler sur des échéances courtes pour éviter les effets tunnels, constamment impliquer l’utilisateur final pour lui laisser la possibilité d’adapter le projet et s’assurer de répondre à un besoin qui évolue. Deux villes qualifiées de Wise City peuvent parfaitement partager des bonnes pratiques et méthodes de développement agiles, cependant la personnalisation, comme dans un projet agile, est clé. En outre, le travail itératif permet à la Wise City de s’inscrire dans un projet vivant. La ville est une entité mouvante, les solutions doivent être pensées pour dégager de la valeur rapidement mais surtout sur le long terme.
Peut-on pour autant dire que la Wise City va remplacer la Smart City ? Premièrement, Smart et Wise City ne sont que des notions conceptuelles. Deuxièmement, ces notions sont loin d’être antinomiques et il ne s’agit pas de les opposer de manière manichéenne à l’instar d’une ville high-tech en regard d’une ville rétrograde. La Wise City se développe dans le prolongement de la Smart City et ambitionne une ville plus durable avec un usage raisonné et réfléchi des nouvelles technologies.