Q : Quels sont les faits manquants de l’Observatoire du Très Haut Débit cette année ?
Le premier fait marquant, c’est que le rythme ne se dément pas. Nous avons déployé 5,650 millions de prises en 2021 et nous arriverons à plus de 5,350 millions de prises cette année. Nous avons raccordé 4 millions de foyers, et nous sommes à plus de 70 % de prises raccordables en France, ce qui traduit un fort succès de la fibre. Ce rythme se maintient notamment grâce aux zones rurales, qui portent l’essentiel des déploiements aujourd’hui. Ce rythme va encore se maintenir pendant au moins deux ans ; on devrait continuer à suivre la courbe qui permet d’atteindre l’objectif.
Un autre point, c’est la multiplication par trois du rythme de commercialisation. Au début du plan, en 2014, il fallait 8 ans pour atteindre un taux de pénétration de la fibre de 50 % sur un réseau. Trois ans plus tard, ce délai se réduisait à quatre ans. En 2022, nous sommes à 2,5 années de temps pour atteindre 50 % de taux de pénétration sur le réseau. On a une adoption massive de la fibre en France, qui traduit une forte appétence des particuliers comme des entreprises. La fibre est aujourd’hui le réseau numéro un en France, avec davantage d’abonnés raccordés à Internet en fibre qu’en cuivre.
Q : Cette accélération était-elle attendue ?
Nous sommes en avance sur le plan, c’est donc une surprise. On pensait atteindre 80 % de raccordements fin 2022, nous serons au-delà d’un objectif qui était déjà très ambitieux. Cela traduit la pertinence du plan, les attentes de la population et le faut que la filière est suffisamment structurée pour supporter ce rythme de déploiement. Nous n’avons pas eu à souffrir de problèmes tels que l’approvisionnement en fibre optique ou en main d’œuvre, grâce à un travail de fond mené depuis plusieurs années pour former les collaborateurs de la filière.
Q : De nombreux secteurs économiques sont sous tension en termes de recrutement. Est-ce que cela vous touche ?
En 2023-2024 on devrait subir un ralentissement relatif, qui fait que les 44 000 ETP (équivalents temps plein) qui sont aujourd’hui mobilisés aujourd’hui devraient continuer à l’être, mais, en 2025, si rien n’est fait, si on n’a pas de nouvelle logique de diversification, on risque de perdre 15 à 20 % de ces employés dès cette année-là. Nous comptons sur de nouvelles pistes et de nouveaux chantiers, tels que la résilience (1), pour occuper ces 15 à 20 % de personnels qui risquent de partir.
En revanche, un enseignement très intéressant de l’observatoire, c’est que la décomposition de l’emploi du personnel varie énormément. Aujourd’hui, nous sommes beaucoup sur le déploiement et le raccordement, mais peu sur les territoires connectés et les autres sujets. Demain, le raccordement et les territoires connectés prendront beaucoup plus de place.
Q : Que dit l’Observatoire sur les territoires connectés ?
Nous avons fait une analyse sur une centaine de collectivités. Nous avons pu constater – sans surprise – que les collectivités de plus de 20 000 habitants sont celles qui ont le plus réfléchi au sujet des schémas stratégiques de territoires connectés et durables. Les collectivités et les maires ont tous envie de se lancer, mais on voit bien qu’il y a une carence d’accompagnement et de définition stratégique. Cette carence se manifeste aussi sur la phase opérationnelle de ce type de projets.
On constate notamment une maîtrise insuffisante des indicateurs clés de succès à mettre en place pour analyser la réussite des projets. Nous avons également constaté que peu de collectivités se sont lancées dans une logique d’expérimentation. Et celles qui se sont lancés n’ont pas encore assez de recul pour déterminer les indicateurs clés de succès des projets. Comment conduire son projet, qu’est-ce que les élus doivent analyser et regarder ? Ce sont des questions complexes pour les collectivités.
Q : La fédération Infranum a-t-elle un rôle à jouer pour aider les collectivités à mieux préparer les projets et à définir ces indicateurs de succès ?
Tout à fait, parce que nous essayons d’avoir une approche pragmatique, qui est celle des petits pas, mais dans une logique très structurante. Nous pouvons, par un travail collectif de l’ensemble des industriels, réussir à produire des grilles de lecture. Notre rôle, c’est aussi d’aider la demande à s’exprimer et travailler sur une offre suffisamment structurée pour qu’elle soit pertinente et de qualité.
Nous avons produit à la demande du gouvernement une étude sur les territoires connectés qui pose quelques jalons. Maintenant, on pourrait entrer dans une logique de schéma ou de guide, que les bureaux d’études doivent évidemment trouver les moyens d’accompagner les collectivités. Mais oui, nous pouvons donner des indicateurs clés de succès pour les projets de territoires connectés.
(1) Entre 40 et 50 % de la fibre optique est déployée en aérien. En cas de grosse tempête, ces réseaux, qui sont vitaux pour la population, pourraient être détruits. Le plan de résilience vise en enfouir et à redonder autant que possible les réseaux et à sécuriser aussi les points de mutualisation situés dans des zones sensibles, comme les zones inondables. Certaines estimations chiffrent l’investissement nécessaire jusqu’à 10 milliards d’euros.