L’ouverture des Jeux Olympiques de 2024 se rapproche et la question des moyens déployés pour la sécurité de l’évènement se pose de plus en plus. Le gouvernement a donc récemment décidé d’accélérer la mise en place d’un cadre juridique permettant l’utilisation d’algorithmes d’analyse d’images de vidéoprotection. Objectif : faciliter l’exploitation des milliers de flux vidéos des caméras qui seront utilisés durant l’évènement, pas les services de police, mais aussi par la RATP ou la SNCF.
Dans cette optique, le décret 2023-828 du 28 août 2023 autorise l’usage d’algorithmes pour certains usages spécifiques. Les usages autorisés sont : la détection automatisée d’objets abandonnés, de présence ou d’utilisation d'armes, du non-respect du sens de circulation commun par une personne ou un véhicule, du franchissement ou de présence d'une personne ou d'un véhicule dans une zone interdite ou sensible, de la présence d'une personne au sol à la suite d'une chute, d’un mouvement de foule, de la densité trop importante de personnes, ainsi que des départs de feux.
« Il s’agit des filtres algorithmiques les plus " RGPD compliant " », commente Dominique Legrand, Président Fondateur de l’AN2V, association nationale regroupant les acteurs de la filière de la vidéoprotection et de la sûreté électronique. Les algorithmes qui font le plus l’objet de vifs débats, comme la reconnaissance faciale, ne figurent ainsi pas dans la liste. « Mais c’est déjà une première étape décisive pour développer l’IA dans la vidéoprotection en France ».
Côté limite géographique, le décret autorise l’usage d’algorithmes uniquement dans les territoires liés aux JO, en l’occurrence la ville Paris, les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, des Yvelines, du Val-d'Oise, de l'Essonne et de Seine-et-Marne. Les acteurs concernés sont donc ces collectivités accueillant les JO, mais aussi leurs partenaires comme la RATP ou la SNCF, qui disposent aussi de caméras de vidéoprotection.
Autre limite : il s’agit d’un décret de la loi de mai 2023 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, qui intègre une échéance des autorisations au 31 mars 2025. Le texte stipule également qu’il s’agit bien d’autorisations « à titre expérimental ». Enfin, notons que le décret couvre les flux vidéo des caméras fixes, mais aussi ceux des caméras mobiles ou embarqués sur des drones, bref tous les types de dispositifs.
Un appel d’offres de deux millions d’euros
Ce décret va permettre à des entreprises de se positionner sur un appel d’offres du Ministère de l’intérieur qui vise à s’équiper de solutions d’algorithmes d’analyse d’image pour la JO. Un marché dont la valeur totale est de deux millions d’euros. Des grands intégrateurs tels qu’Atos, Airbus ou Thales devraient ainsi se positionner, tout comme la dizaine d’acteurs français spécialisés dans l’analyse d’images comme XXII, Briefcam ou Foxstream.
Rappelons que l’objectif de ces algorithmes est de faciliter le travail des agents de vidéosurveillance qui ne peuvent visionner un trop grand nombre de flux vidéo en même temps. Ces systèmes automatisent le traitement des images et envoient des alertes, par exemple sur la présence d’un objet abandonné, d’un mouvement de foule suspect ou d’un départ de feux. Des solutions qui étaient déjà expérimentées dans plusieurs collectivités, notamment Massy (lire SCM N°46).
Mais fin 2022, la Cnil avait tapé du poing sur la table en rappelant que certaines solutions intrusives posaient problème et en appelant la puissance publique à travailler sur un cadre réglementaire spécifique à ces dispositifs. C’est aujourd’hui chose faite, du moins pour les JO.
Selon la filière, ce n’est cependant qu’un début. « Ce décret est libératoire pour de nombreuses entreprises françaises qui développent ce type de solutions. Il permet également de travailler sur un futur cadre juridique, dépassant les JO, qui bénéficiera des retours d’expériences de l’évènement. Il ouvre ainsi la voie à la vidéoprotection algorithmique en France », conclut Dominique Legrand.