Après la "feuille de route qualité" de la filière télécom en avril 2020, après le "plan d'actions complémentaires pour l'amélioration de la qualité de l'exploitation" de l'Arcep fin 2021, après le "Plan Qualité" d'InfraNum et de la FFT en septembre 2022, voici venu le "nouveau nouveau nouveau" plan qualité de la FFT, en 2023 : appellons-le "PQ+".
Qu'en est-il du bilan du plan qualité de 2022 promis il y a un an ? S'il n'a pas été tiré, c'est qu'il n'y a rien à en dire de positif. Les reprises de réseaux ? Elles ont été faites, mais les réseaux sont aussitôt à nouveau dégradés. Les Compte-Rendus d'Intervention (CRI photo) ? Ils sont non seulement toujours incomplets, mais également faux dans des proportions dépassant l'entendement (horodatages et géolocalisations des photos trafiqués). Le module de signalement des coupures "accidentelles" ?
L'ensemble des fonctionnalités attendues n'est toujours pas disponible. L'outil n'est que partiellement opérationnel et pas sur l'ensemble du territoire ni pour l'ensemble des tandems OI/OC. L'autolabellisation des prestataires des opérateurs ? Pompeusement appelée "certification", ce "quality-washing" des pratiques de sous-traitance n'a rien changé sur le terrain. Il faut dire qu'il consiste à ce que le prestataire lui-même auto-coche un certain nombre de cases pour être "labellisé", sans exigence de formation ni de vérification de l'utilisation d'équipements adaptés...
Ce sont toujours les mêmes prestataires qui interviennent. Les centres de formation restent désespérément vides. Les accidents du travail restent monnaie courante. Les nouveaux contrats STOC ? Tous ne sont pas encore signés entre OI et OC.
Au final, rien sur le terrain ne permet de mesurer la moindre variation positive de la qualité de l'intervention des 4 opérateurs commerciaux. Rien !
Le PQ+ de la FFT, nouvelle tentative de "ripolinage qualité" de pratiques inchangées ?
Question récurrente qui nous est posée : que pense l'Avicca de ce nouveau nouveau nouveau plan qualité ? Rien non plus ! Rien de plus que les "plans" passés. Et rien de moins que la prochaine trouvaille des opérateurs pour le cru 2024. Que dire de ces pseudo-solutions sensées mettre un terme à des pratiques qui restent inchangées ?
« Cela fait 6 ans que cela dure et qu’on promet des lendemains meilleurs aux collectivités, aux élus et aux usagers, s’insurgeait Patrick Chaize qui avait résumé ses propos en deux mots : ça suffit ! » (déclaration de Patrick Chaize début septembre 2022). Comme la Présidente de l'Arcep, le président de l'Avicca pourrait refaire cette même déclaration aujourd'hui. Et si la loi qu'il a sû faire voter à l'unanimité le 2 mai 2023 ne passe pas rapidement devant l'Assemblée nationale, l'Arcep et l'Avicca pourront copier/coller leur discours une nouvelle fois dans un an...
Au-delà de l’habillage sémantique à coups de « fluidification, responsabilisation, transparence... », l'Avicca note avec une certaine perplexité la proposition phare de ce PQ+. Il s'agirait ainsi pour les opérateurs commerciaux de "s’autoévaluer". Il est vrai que l’observatoire de l’Arcep, publié en juillet dernier, a suscité, à juste titre, beaucoup de critiques. Il s’agissait alors de faire apprécier par les opérateurs commerciaux, responsables eux-même des dégradations, des opérateurs d’infrastructures en charge des réseaux victimes de ces dégradations.
C’était le monde à l’envers: le coupable qui notait son juge ! Et bien les 4 opérateurs nationaux proposent que le prochain observatoire présente également les indicateurs sur les OC. Et sans rire, ces indicateurs sur les OC... seraient fournis par ces mêmes OC ! Après l'autolabellisation de leurs intervenants, nous aurons bientôt « l'autonotation » des 4 OC !
L'immobilisme, une force en marche !
Qu'importe pour les opérateurs ! L'essentiel est de gagner du temps. Et à cet exercice au moins, ils réussissent, d'années en années, à ne rien changer, tout en gesticulant toujours plus pour faire croire que tout change. Attention, leur recette pourrait ne plus prendre. Les parlementaires, dont Jean-Noël Barrot s'est fait l'écho le 26 septembre, n'en peuvent plus.
Plus encore, les faits sont têtus. Ils viennent une nouvelle fois démentir l'arlésienne des acteurs de la filière selon laquelle il faudrait du temps pour voir les résultats de leurs pseudos plans d'actions. Comme si les grandes entreprises et les sous-traitants professionnels avaient dû attendre ces idées de génie pour commencer à faire de la qualité ! Comme s'il n'y avait que des amateurs ou des incapables pour effectuer les raccordements ! Il se trouve que dans certains points du territoire, depuis l'origine des raccordements, le mode STOC - sans CRI ni autolabellisation ni e-intervention ni autre poudre de perlinpimpin - ne pose que peu de problèmes.
Quant au mode OI, qui selon les dires des opérateurs aurait forcément donné le même résultat que le mode STOC ? Nous disposons désormais d'un suivi qualité des raccordements FttH en mode STOC ET en mode OI sur une grande zone RIP départementale avec bientôt deux ans de recul.
Et le moins que l'on puisse dire, c'est que ce contre-argument des opérateurs commerciaux vole lui aussi en éclat :
- sur une année glissante, la qualité des raccordements en mode STOC de 3 différents OC est passée de 86% à 79% de conformité pour le premier, 87 à 85% pour le second et 85 à 73% pour le troisième ;
- sur la même période, la qualité des raccordements en mode OI est passée de 95 à 97% pour le premier prestataire de l'OI, et de 93 à 100% pour le second prestataire. Quant au 3ème prestataire recruté en début d'année, s'il a commencé l'année avec seulement 82% de conformité, dès le mois de juin, il était déjà à 92% ! De quoi battre en brèche l'idée que la course à la qualité est une course au long cours !
- sur une année, le contrôle de la qualité des raccordements et de l'état des armoires coûte à ce RIP, factures à l'appui, 750 000 €. Et si les opérateurs responsables de ces dégradations sont bien identifiés, l'OI signale n'avoir récupéré que 70 000 € de pénalités à date ! Encore une excellente affaire pour les OC concernés, et une raison supplémentaire pour eux de ne surtout rien changer...
Bref, il n’y a vraiment qu’une seule issue maintenant : le passage dans les délais les plus brefs de la proposition de loi sur la qualité des raccordements FttH devant l’Assemblée nationale. Le reste n'est que perte de temps. A moins que nous ne préférions tous continuer à vivre comme les Shadoks dans un monde de non-sens ?