« Faute d’anticipation, les conséquences pour notre système économique et sur notre qualité de vie pourraient être dramatiques ». Tel est le signal d’alarme lancé par les députés Vincent Descoeur (LR, Cantal) et Yannick Haury (RE, Loire-Atlantique), co-rapporteurs de la mission d’information sur "l’adaptation de la politique de l’eau au défi climatique". Le 17 janvier dernier, ils présentaient leurs conclusions après avoir organisé 39 auditions et tables rondes, au cours desquels ils ont entendu 70 organismes et personnalités qualifiées. Cette mission a pour objectif de « faire émerger des leviers de meilleure gestion de la ressource en eau ». Elle a été créée en mars dernier par la commission du Développement durable et de l'Aménagement du territoire de l'Assemblée nationale.
Résultat : les deux rapporteurs appellent à « améliorer la résilience des territoires » et à « s’adapter structurellement et dans la durée, à une nouvelle donne climatique, qui impose de réduire la consommation d’eau », indiquent-ils dans un communiqué. Car ils constatent une dégradation réelle des écosystèmes régulateurs du cycle de l’eau. « Ainsi, d’ici 2050, les précipitations devraient baisser de 16 à 23 % et le débit moyen annuel des cours d’eau devrait diminuer de 10 à 40 %. En ce qui concerne les eaux souterraines, la piézométrie devrait diminuer d’une façon quasi générale avec une baisse de la recharge comprise entre 10 et 25 %. »
Face à cette situation préoccupante, ils formulent 81 propositions dans leur rapport, tout en soulignant qu’il n’existe pas de « solution unique » mais plutôt un « bouquet de solutions ». Ce dernier « s’articule autour des exigences suivantes : renforcer les politiques publiques en soutien à la préservation de la ressource ; développer le stockage de l’eau ; renforcer la gouvernance et le financement des politiques de l’eau. »
Lutter contre les fuites et collecter davantage d’informations
Parmi les 81 propositions, plus d’une dizaine sont consacrées à améliorer la connaissance de la ressource et de sa consommation. Citons par exemple : « Renforcer la connaissance en temps réel du niveau des cours d’eau et des nappes phréatiques et développer des outils de pilotage plus précis du soutien d’étiage » ou encore : « Identifier les principaux préleveurs sur les réseaux d’eau sur chaque bassin-versant, connaître leur seuil de vulnérabilité et évaluer les besoins saisonniers ». Afin d’améliorer cette connaissance, le rapport préconise notamment d’«imposer le déploiement de compteurs de consommation d’eau en temps réel pour les acteurs économiques, agricoles et industriels en contrepartie d’une aide financière de l’État ou des agences de l’eau ».
Un deuxième grand volet de propositions concerne la sobriété hydrique. Le rapport recommande par exemple d’« encourager l’adoption de compteurs individuels dans toutes les copropriétés pour favoriser la sobriété hydrique et la mise en place éventuelle de systèmes de tarification progressive ». Toujours dans le domaine de la sobriété hydrique, les députés appellent à « poursuivre et amplifier les efforts relatifs à la réduction des fuites de canalisations ». Rappelons qu’en France le rendement moyen des réseaux d’eau potable est de 80%, ce qui signifie qu’environ 20% de l’eau est perdue à cause des fuites. « Les fuites d’eau dans les canalisations représentent des pertes importantes, qui semblent anachroniques à l’heure où la sobriété hydrique devient cruciale », déplorent-ils.
Supprimer la TVA sur l’eau
Une troisième partie des propositions traitent de la problématique des coûts et du financement de la gestion de l’eau. Le rapport recommande notamment de supprimer la TVA sur l’eau (5,5%) et l’assainissement (10%) qui est : « contraire au principe de "l’eau paie l’eau", afin d’aider au financement du mur d’investissements pour la rénovation des réseaux ». Autre proposition financière : « doubler l’objectif annuel d’aquaprêts mis en œuvre par la Caisse des dépôts. Étudier la possibilité de mettre en œuvre des prêts à taux zéro de longue durée, à destination des collectivités, avec compensation budgétaire de l’État pour la Caisse des dépôts, à l’instar de ce qui se fait en matière d’éco PTZ ».
Enfin, le rapport encourage les collectivités à « mettre en place une tarification progressive de l’eau et interdire par la loi toute tarification dégressive incitant au gaspillage, à l’exception des services d’intérêt général comme les hôpitaux ». Il préconise aussi de « mettre en place une tarification saisonnière dans les régions touristiques » et à « étudier la possibilité de généraliser cette faculté dans toutes les zones en tension ».
Sur le même sujet : retrouvez notre dossier : « Comment optimiser la gestion de l’eau grâce à la donnée ? » dans SCM N°58, à paraître à l’occasion du Carrefour des Gestions Locales de l'Eau 2024 (Rennes 31 janvier au 1er février) dont Smart City Mag est partenaire.