Plan Canopée, surveillance du ZAN, création d’îlots de fraîcheur, suivi du risque d’inondation… de plus en plus de politiques publiques nécessitent de répertorier la végétation en ville pour répondre à différents enjeux liés au changement climatique ou à la protection de l’environnement. Face à ce constat, la métropole du Grand Nancy et le Cerema Grand Est, partenaires historiques, ont eu l’idée de développer un outil logiciel décrivant la végétation d’un territoire et donnant des informations sur celle-ci, telles que l’amélioration de la qualité de l’air, l’efficacité d’un îlot de fraicheur ou le bien-être des citoyens en fonction de l’aménagement de jardins publics. Cet outil, les deux acteurs l’ont nommé Green Urban Sat.
« Nos végétaux ne supportent plus la canicule et nous avons un sol très argileux, nous devons travailler sur la désimperméabilisation des sols. Nous voulions un outil d’aide à la décision pour nous aider, et qu’il soit réplicable, car toutes les collectivités sont confrontées aux mêmes enjeux », explique Johan Ohling, responsable de l’aménagement de l'espace public et projets urbains à la métropole du Grand Nancy, où le projet "Des hommes et des arbres", destiné à valoriser le patrimoine arboré, est en cours.
Une classification par IA
Une première phase de conception logicielle s’est déroulée d’avril 2022 à avril 2024. L’équipe du Cerema Occitanie a récupéré des images satellitaires à très haute résolution spatiale avec trois angles de vue successifs, issues du satellite Pléiades du CNES, à différentes périodes de l’année. « Jouer sur les saisons nous permet par exemple d'identifier les végétaux caduques et persistants », précise Emma Bousquet, responsable d'études observation satellitaire au Cerema Occitanie, chargée du projet. Une méthode de détection par IA dans des bandes infrarouges, pour identifier la chlorophylle, a été développée pour obtenir une classification du sol supervisée en catégories : végétation herbacée, prairies, cultures, arbre isolé, alignement d’arbres, boisement.
La difficulté majeure a été de classifier correctement la végétation avec une résolution spatiale de 50 cm, dans des images comprenant des éléments hétérogènes (bâti, voirie, végétation…) et de caractériser le gisement d’espaces végétalisés. « Il a fallu développer des méthodes innovantes avec de l’IA et beaucoup de développements techniques et informatiques. C’est la première fois qu’une telle carte par imagerie satellite est faite sur de l’urbain », assure Emma Bousquet.
Le Cerema a travaillé en parallèle avec le laboratoire Imagerie Ville Environnement (LIVE) de l’Université de Strasbourg sur une méthode d’analyse spatiale pour pouvoir indiquer les services écosystémiques des végétaux (c’est-à-dire les bénéfices que l’on peut tirer de manière globale des solutions fondées sur la nature) : « Si on a un arbre au bord d’une route, il ne rendra pas les mêmes services que s’il est dans un parc urbain par exemple, où le bénéfice socioculturel est très important », détaille Emma Bousquet.
40% de boisement sur la métropole
La société TerraNIS s’est chargée de concevoir la plateforme de visualisation, avec des tableaux de bord et des indicateurs. « Il nous faut des statistiques pour localiser les secteurs en carence de végétation et ainsi prioriser nos actions », indique Johan Ohling. Parmi les résultats affichés : la métropole compte 40% de boisement.
Une deuxième phase, cette fois d’expérimentation, s’ouvre pour la métropole du Grand Nancy. Elle s’étendra jusqu’en 2026. Les services Aménagement, Espaces verts et Climat de la métropole sont chargés de tester l’appropriation de l’outil par les équipes de terrain. L’objectif est de rendre les algorithmes accessibles à tous. Johan Ohling souhaiterait également en ouvrir l’accès aux citoyens. « La végétalisation d’un territoire ne concerne pas que l’espace public, mais aussi les actions des particuliers dans leurs espaces privatifs », souligne-t-il, soucieux de connaître via l’outil les attentes en nature des citoyens.
Pour développer encore davantage le logiciel, le Cerema va recruter une alternante pour perfectionner la méthode d’identification des végétaux et adapter l’outil à d’autres territoires. De son côté, la métropole du Grand Nancy va s’engager dans la création d’un atlas du paysage.
La version définitive de Green Urban Sat, dont le budget s’est élevé à 360 000 euros (170 000 euros financés par le Space Climate Observatory, 190 000 euros par le Cerema), sera finalisée en 2026. Elle offrira des comparatifs du territoire pour montrer les améliorations dans le temps.
Lire également notre dossier « Comment adapter les villes et les territoires au changement climatique ? » publié en novembre 2023 dans Smart City Mag N°56.