En 2024, les collectivités territoriales ont manifesté un fort engouement pour les projets data et IA. C’est ce qui ressort du baromètre de l’observatoire Data Publica 2024, présenté ce 12 novembre. Pour la troisième édition de cette étude dédiée à l’usage de la donnée au sein des collectivités territoriales, l’organisation à but non lucratif Data Publica a sondé 289 collectivités et établissements publics locaux de toutes les régions, entre juin et juillet 2024, avec un focus sur le recours à l’intelligence artificielle (IA). Résultat : le taux de communes ayant lancé un projet data est passé de 18% en 2022 à 47% en 2024 et une collectivité sur deux annonce avoir testé un système d’IA. Dans ces projets, c’est l’IA générative (GenAI) qui est plébiscitée.
La première raison de cet essor des projets data et IA tient dans la volonté des élus d’améliorer leur administration et leur gestion interne (usage pour 59% des projets data en cours). A titre d’exemple, la ville d’Antony a mis au point un chatbot pour ses processus RH et entend en faire une brique de sa démarche GenAI. « Généralement, les collectivités commencent par déployer un projet pour leur usage interne afin d’en vérifier la fiabilité, avant de s’adresser aux citoyens », a réagi Alexandre Lallet, directeur de l’offre IA Secteur public chez Docaposte, lors de la présentation de l’enquête.
Ces projets data et IA visent également à répondre aux enjeux de la transition écologique. Selon l’enquête, 97% des communes estiment que la data est indispensable pour répondre aux enjeux environnementaux. Les collectivités veulent optimiser leur gestion de l’énergie et de l’éclairage (58% des projets) comme Gournay-sur-Marne, repenser leur mobilité (55%) à l’image de Paris ou encore réduire les tournées de collecte des déchets (40%), tel que l’agglomération de Lorient. « Je retiens de l’étude que les données ne sont plus perçues comme une contrainte mais comme un patrimoine actif à faire fructifier dans différents domaines », a indiqué François Panouillé, chargé de mission Innovation et données territoriales à la Banque des territoires.
Des règles de gouvernance dans 41% des collectivités
Si les métropoles et les régions sont les plus avancées en matière de smart city, l’étude annuelle laisse présager une montée en puissance des EPCI en 2025. « Grâce à l’IA, les projets ne sont plus déployés dans un schéma commençant par les grandes métropoles, mais simultanément dans des villes de toute taille », s’est réjoui Jacques Priol, CEO du cabinet Civiteo et président de l’observatoire. La vision par ordinateur, ou computer vision, tire son épingle du jeu en 2024.
Cet essor des projets data et IA est par ailleurs encouragé par les citoyens. S’ils se montrent en général réticents à l’utilisation des données (55% des répondants), ceux-ci trouvent utile à 70% d’utiliser la donnée pour améliorer la vie des habitants et réduire les dépenses publiques. Les citoyens ont confiance dans les acteurs publics pour gérer leurs données et respecter le RGPD, révèle l’étude Ipsos menée en juillet auprès d’un panel de 1 000 personnes pour enrichir le baromètre avec la perception des Français. La majorité des collectivités s’estiment justement en conformité avec le règlement et 41% vont mettre en place des règles de gouvernance de la donnée.
« Cela se traduit par des guides de gestion interne, des conventions ou des chartes », précise Simon Chignard, expert en data gouvernance et futur président de l’observatoire en 2025. L’agglomération de Paris-Saclay a adopté en 2023 une feuille de route sur l’IA « pour poser un cadre et sécuriser la démarche », a témoigné Pauline Audebert, directrice générale des services de l’agglomération Paris Saclay.
Un manque de temps et de compétences
Pour celles qui n’ont pas franchi le cap, le manque de temps (pour 70% des sondés) et de compétences (63%) sur la maîtrise de la donnée et l’IA constituent les deux principaux freins. L’agglomération de Paris Saclay a instauré des formations obligatoires pour ses agents pour pallier ce problème. En parallèle, les questions de cybersécurité représentent un défi pour les collectivités. Le nombre de collectivité déclarant avoir subi une cyberattaque sévère est de 26% et la moitié des sondés estime y être exposés de façon continue. C’est pourquoi le conseil départemental du Tarn a par exemple décidé de mettre à profit l’IA afin d’apporter une couche de surveillance supplémentaire à son réseau informatique.
Au sein de l’observatoire Data Publica, on s’attend à ce que les projets prennent une autre ampleur en 2025 avec la montée en puissance de jumeaux numériques dans les territoires, à l’image de celui mis en œuvre en Vendée. 19% des collectivités annoncent leur intention d’en déployer un dans les douze prochains mois. Ces projets data vont être par ailleurs poussés par la législation, la loi REEN (Réduction de l'Empreinte Environnementale du Numérique) obligeant les collectivités de plus de 50 000 habitants à se doter d’une stratégie de numérique responsable d’ici au 1er janvier 2025. Et d’après l’étude, seuls 20% s’y sont préparés.