Comment surveiller en temps réel l’activité sismique d’une région quand il n’est pas possible de déployer des capteurs ? Dans le cadre de leurs travaux de recherche, Olivier Coutant, physicien à l’Université Grenoble-Alpes, et Jean-Luc Got, professeur de l’Université Savoie Mont-Blanc, ont pris l’initiative d’expérimenter la fibre optique. « L’idée n’est pas récente, elle est issue des travaux des pétroliers. Nous avons voulu en tester la fiabilité des résultats pour notre usage », raconte Olivier Coutant. Les deux chercheurs ont l’habitude d’analyser la sismicité d’Epagny, dont l’activité est discrète mais récurrente. Pour en vérifier la fiabilité des données, ils ont fait appel au Syane, syndicat des énergies et du numérique en Haute-Savoie, et à son délégataire, l’opérateur d’infrastructures de fibre optique Altitude Infra.
Les abords d’Annecy présentent l’avantage d’être bien équipés en fibre optique. « Nous avons déployé 242 000 prises sur les 350 000 prévues en Haute-Savoie », détaille Aurélie Audisio, directrice d’Altitude Infra en Haute-Savoie. L’expérimentation nécessitait une continuité de câbles autour de la plaine d’Epagny. « Nos seules contraintes étaient de pouvoir donner accès à un local technique pour offrir une alimentation électrique sécurisée à l’appareil de sismologie – l’enregistreur DAS (Distributed Acoustic Sensing) – et le relier aux câbles de fibre optique, et ce durant le court laps de temps de location de cet appareil », précise Sébastien Arlant, responsable du projet chez Altitude Infra. Ce dernier a opté pour un segment de dix kilomètres au départ du local technique de la commune de Meythet et un autre de 3,5 kilomètres jusqu’à la Balme-de-Sillingy.
Une mesure équivalente à celle de 300 000 capteurs
Les mesures ont été effectuées fin juin sur une fibre optique noire, c’est-à-dire non allumée pour les besoins télécoms des utilisateurs. Les chercheurs ont pu enregistrer une secousse de magnitude 3,2 près de la commune de Thônes le 7 juin dernier. « Sans la fibre optique, nous n’aurions jamais pu avoir tant de données. Les mesures sont prises tous les dix centimètres. Cela représente ici l’équivalent de plus de 300 000 capteurs sismiques classiques », se réjouit Olivier Coutant. Les données seront traitées par intelligence artificielle. « Nous étudierons le degré de précision et de fiabilité de la fibre optique en fonction de la magnitude et de la distance de l’hypocentre avec des étudiants dans le cadre de mémoires de master », ajoute le physicien. L’expérimentation confirme pour l’heure l’intérêt de la fibre optique pour suivre la micro-sismicité de la zone haute-savoyarde et la dynamique hydrogéologique de son sous-sol.
Ce débouché pourrait notamment servir dans les travaux liés à la géothermie. Le Syane pilote depuis 2019, en partenariat avec la Ville d’Annecy, des études permettant de préciser le potentiel en géothermie de moyenne profondeur sur le bassin annécien. Les opportunités de la fibre optique ne s’arrêtent pas là. « Nous avons pu suivre le flux de circulation à travers les câbles de fibre optique installés le long des ponts. On aurait pu compter le nombre de véhicules y circulant, ce qui ouvre des perspectives d’analyse du signal sur la fibre optique », affirme Sébastien Arlant. Un avis partagé par Olivier Coutant : « Outre la mobilité, la fibre optique peut également permettre de surveiller le vieillissement de ces ouvrages d’art », assure-t-il. La fibre optique a des atouts pour s’affirmer comme l’un des outils de la smart city.
