« Comment créer un démonstrateur de ville bas carbone et smart dans un quartier existant ? Quelles sont les solutions en développement pour améliorer la recharge des véhicules électriques ? » Les collectivités peuvent se poser de telles questions pour leurs projets de décarbonation sans savoir que des démonstrateurs smart grids sont réalisés par les gestionnaires de réseau sur ces sujets. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a donc choisi de publier un rapport biannuel pour donner son avis sur les avancées des démonstrateurs en France en cours ou tout juste achevés. La troisième édition de ce rapport, pour lequel une trentaine de démonstrateurs ont été analysés, a été publié le 11 décembre 2024.
Le thème qui a dominé dans la mise en place des derniers démonstrateurs est la mobilité électrique. Un exemple avec le projet aVEnir d’Enedis, associé à des partenaires privés, sur la recharge des véhicules électriques. « Des études statistiques ont été établies dans le cadre de ce programme pour dresser des schémas de recharge, ainsi que le potentiel de flexibilité, en fonction des bornes publiques, de professionnels ou de stations-service, détaille Antoine Desbordes, chargé de mission Smart Grids à la direction des réseaux de la CRE et un des rédacteurs du rapport. Ces études montrent que dans le comportement des flottes, il y a rarement une puissance d’appel supérieure à 40%. Il ne sert donc à rien pour une collectivité qui veut s’équiper, de demander une puissance de raccordement égale à la somme totale des puissances de rechargement de tous les véhicules. »
La CRE s’est concentrée sur l’étude de projets français mais le rapport attire l’attention sur le projet V2G (Vehicle-to-grid ) de Veolia à Londres. Deux camions de collecte de déchets ont été équipés d’une technologie de charge bidirectionnelle pour fournir de l’électricité à 110 foyers pendant deux heures en moment de pointe. « On est sur un cas de mobilité idéal pour le V2G. Ces véhicules ont des batteries avec six fois plus de capacité que les véhicules électriques et ils fonctionnent en différé, ce qui leur permet d’être connectés au système au moment où ils peuvent lui apporter le plus d’aide », assure Antoine Desbordes.
Le calcul du ROI indispensable à la généralisation
La CRE met également en avant pour les collectivités le projet européen Response. À travers ce démonstrateur, Enedis a mis à disposition de la ville de Dijon, des données centralisées dans un datahub pour l’aider à faire émerger des îlots à énergie positive. Ces données nourrissent un tableau de bord énergétique et climatique sur l'ensemble du territoire pour suivre les résultats, aider la prise de décision et communiquer. « Dans une période de restriction budgétaire, Response prouve qu’il est possible d’agir efficacement avec peu de moyens, en valorisant les données open data d’Enedis », met en avant Antoine Desbordes.
Par contre, la CRE relève un point noir commun à l’ensemble des démonstrateurs : le manque d’analyse coût-bénéfice des solutions. « Ces démonstrateurs sont réalisés majoritairement avec des fonds publics. Sur les 215 millions d’euros de budgets totaux, 80 millions d’euros couverts par les tarifs d’utilisation des réseaux (Turp) et 17 millions d’euros de subventions. On estime donc que les gestionnaires doivent communiquer sur les résultats et être transparents », précise Antoine Desbordes.
Pour les auteurs du rapport, « l’absence d’éléments économiques ne permet pas d’estimer les éventuels gains associés pour la collectivité et donc l’intérêt d’une généralisation ». Or, les démonstrateurs démontrent la faisabilité technique des projets menés. Pour atteindre l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050, les innovations smart grids doivent nécessairement passer à l’échelle sur les réseaux électriques et gaziers.