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Nicolas Potier – Tactis : « Le smart devrait être une grande cause nationale »

Territoire
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Nicolas Potier, directeur associé chez Tactis
Tous les sujets smart ne se valent pas

Trois grands enseignements ressortent de la 2ème édition de l’Observatoire des territoires connectés et durables. Explications avec Nicolas Potier, directeur associé chez Tactis, cabinet de conseil expert de la connectivité pour les collectivités territoriales en charge de l’étude pour InfraNum et la FNCCR.

Quelle est la particularité de cette 2ème édition de l’Observatoire des territoires connectés et durables ?


Nicolas Potier : La première édition de l’Observatoire (présentée en février 2024) visait à dresser un panorama de projets smart city en faisant émerger les thématiques clés. Cette fois-ci, InfraNum et la FNCCR nous ont demandé une étude quantitative et qualitative sur les impacts sociaux économiques et environnementaux des cinq usages identifiés lors de la première édition (la télérelève des compteurs d’eau, le pilotage de l’éclairage public, la gestion énergétique des bâtiments, la mise en place de points d’apport volontaire connectés et la prévention des incendies par des dispositifs de vidéodétection, ndlr). Nous avons notamment analysé les dépenses sur les différents composants de la chaîne de valeur d’un projet de territoire connecté et durable, des objets connectés en passant par le réseau ou l’exploitation et la maintenance. Nous avons estimé le cumul de dépenses à engager à horizon 2035 dans ce secteur, soit 2,2 milliards d’euros. Il y a peu d’autres études et il n'y a pas de cadre de référence sur le sujet. Nous nous sommes donc appuyés sur les retours d’une dizaine de porteurs de projet qui opèrent leur projet depuis plusieurs années et dont les usages sont matures, comme la Roannaise de l'Eau, pour faire émerger une étude d’envergure nationale. Cet observatoire se veut être un outil paramétrable pour réaliser des scénarios d’adoption et favoriser une généralisation massive des usages.


Quel est le premier enseignement que vous en retirez ?

Il en ressort que tous les sujets smart ne se valent pas. La gestion de l’énergie dans les bâtiments est de loin l’usage le plus rentable car les prix de l’énergie vont augmenter dans les prochaines années. Nous avons estimé qu’il y a 250 000 bâtiments publics en France, dont les dépenses énergétiques s’élèvent à 2,6 milliards d’euros par an. Avec notre scénario sur les taux de pénétration des équipements connectés, défini à 34% dans les bâtiments en 2035 selon la dynamique actuelle, la dépense à engager serait de 294 millions d’euros. Mais entre les économies énergétiques, l’amélioration du confort thermique, l’effacement des consommations lors des périodes de pointe, etc., les bénéfices seraient de 917 millions d’euros. La télérelève des compteurs d’eau est quant à elle l’usage à adopter en point de départ. Une collectivité qui déploie un réseau d’objets connectés doit obligatoirement s’assurer que le secteur de l’eau utilisera ce réseau. L’enseignement majeur de cette étude tient donc dans le fait que les collectivités doivent prioriser la gestion énergétique des bâtiments et la télérelève.


Que révèle votre analyse sociale des projets ?

L’acceptabilité sociale des solutions est un vrai sujet. La bonne nouvelle qui ressort de l’étude, et représente un deuxième enseignement, est que la mise en œuvre de projets de territoires connectés et durables créée un peu plus d’emplois que le numérique n’en détruit. Par contre, il y a un déplacement dans la chaîne de valeur. Les collectivités n’ont plus besoin de techniciens faiblement qualifiés, par exemple, qui relèvent un index de compteur d’eau à la main tous les ans, mais d’experts de la donnée. Accompagner ce mouvement de compétences est l’une des vocations premières d’InfraNum.


Quel conseil donneriez-vous aux collectivités ?

Nous avons réalisé une segmentation géographique pour déterminer les probabilités de déploiement et les externalités selon trois réalités territoriales : les communes supérieures à 30 000 habitants (33% de la population), les zones moyennement denses, comprises entre 2 000 et 30 000 habitants (45% de la population) et les communes inférieures à 2 000 habitants (22% de la population). Pour les communes rurales inférieures à 30 000 habitants, s’il n’y a pas de mutualisation, elles n’ont aucune chance de parvenir à mener efficacement un projet car elles n’ont pas l’ingénierie suffisante. Pour l’achat d’objets connectés, elles peuvent faire appel aux centrales d’achat, mais pour constituer un réseau bas débit, elles ont besoin de cette mutualisation. Elles sont donc obligées de réfléchir à l’échelle départementale. Le deuxième message fort de l’observatoire : la mutualisation est indispensable pour que la vision d’économies d’énergie et de moyens devienne une réalité.


En quoi est-ce important, malgré les crises budgétaires actuelles, que les collectivités déploient des solutions de territoire connecté et durable ?

Les indicateurs retenus pour l’analyse environnementale démontrent que les solutions de territoire connecté et durable constituent un pilier fort de la transition écologique et que ces projets compensent largement les émissions de CO2 induites. C’est le troisième enseignement de l’observatoire. Le smart devrait ainsi être une grande cause nationale au vu de l’ampleur des dépenses à engager et des externalités dégagées. Pour la télérelève par exemple, il y a 27,5 millions de compteurs d’eau en 2024, dont 25% de connectés. Si le taux de pénétration est de 52% en 2035, nous parviendrons à réaliser 5% d’économies d’eau par an en moyenne, soit 165 piscines olympiques par département et par an. Sans oublier les externalités économiques, que l’on chiffre à 546 millions d’euros, et environnementales : la préservation de la ressource, de moindres rejets d’eaux usées, une meilleure qualité de vie au travail, etc.


Quelle est la suite pour l’observatoire ?

Il s’agit ici de premiers résultats partiels. La suite de la démarche est de partager toutes les hypothèses d’entrée du modèle avec des experts pour affiner les chiffres et inspirer davantage les collectivités ; peu d’entre elles ont déployé plusieurs usages. Il serait aussi souhaitable de compléter et d’étendre l'étude à de nouveaux secteurs d’activité, par exemple la vidéoprotection. Cet observatoire aura d’autant plus de valeur s’il est poursuivi et actualisé dans le temps.


Lire aussi notre bilan des Ateliers du Smart Cities Tour Val de Loire Numérique : comment mener à bien des projets connectés en territoires ruraux ?

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