Les collectivités territoriales se végétalisent de plus en plus pour répondre aux impératifs du Plan Canopée. Pour mener à bien ces politiques, elles ont besoin de pouvoir compter, répertorier et classer les arbres en milieu urbain. Une tâche qui peut s’avérer chronophage dans des métropoles comptant plusieurs dizaines de milliers d’arbres. La question qui se pose aux municipalités porte ainsi sur l’apport de l’imagerie satellitaire et de l’intelligence artificielle (IA). Pour y répondre, le laboratoire Image, Ville et Environnement (LIVE) de l’Université de Strasbourg a mené une série de tests sur le territoire de l’Eurométropole de Strasbourg. Son objectif : déterminer comment exploiter les séries temporelles d’images satellites avec de l’IA pour la détection et la classification d’espèces d’arbres.
Les équipes d’Anne Puissant, professeur à l’Université de Strasbourg, ont pris les données ouvertes en open data de l’Eurométropole de Strasbourg comme cadre de référence. Cette base de données gratuite décrit 83 000 arbres du domaine public. En parallèle, trois types d’images satellitaires ont été récoltés : quatre clichés du territoire à 50 cm et 2 mètres de résolution spatiale, fournis sur commande par la constellation Pléiades. Mais aussi 53 acquisitions quotidiennes à 3 mètres de résolution spatiale de la constellation Planet, et 22 clichés à 10 mètres de résolution spatiale pris tous les cinq jours par les satellites d’observation Sentinel-2, interopérables spectralement avec Planet.
« Ce qui est intéressant à travers ce capteur-ci, c’est que l’on obtient une diversité spectrale dans le proche et moyen infrarouge, ce qui permet de suivre avec précision la végétation », a précisé Romain Wenger, post-doctorant expert en géomatique au laboratoire LIVE, dans un webinaire de présentation de ces travaux organisé par DataGrandEst. Un modèle d’IA de classification en machine learning Random Forest a été entraîné sur l’ensemble des données.
73% de bonne classification
Le bilan dressé par Romain Wenger après l’analyse de différents scénarios testés : « Le modèle entraîné sur l’ensemble des données obtient 73% de bonne classification sur les dix essences les plus représentées. Nous obtenons un taux quasi similaire, à 70,8% avec seulement les images gratuites à haute résolution spatiale de Planet et Sentinel-2. Ce qui prouve que le machine learning et les séries temporelles d’images satellites offrent des résultats encourageants et que l’on peut se passer de l’imagerie payante et du calcul souvent coûteux des modèles numériques de surface. » Des résultats qui peuvent s’avérer très utiles pour les collectivités dans leurs missions d’aménagement du territoire et de gestion des ressources naturelles.
Les enseignements du laboratoire ne s’arrêtent pas là. Une thèse menée par Guillaume Gama, chargé de mission scientifique au Conservatoire d’Espaces Naturels de Lorraine, a montré les perspectives de l’imagerie satellitaire à haute résolution pour identifier les prairies à enjeux de biodiversité. Anne Puissant a également évoqué les perspectives pour détecter automatiquement les zones de défrichement. « C’est une problématique pour laquelle l’imagerie satellitaire peut être exploitée. Sentinel-2 peut être exploité pour cet usage à l’échelle de la parcelle car nous avons identifié des coupes rases », a-t-elle indiqué. Seul point d’attention qu’elle avance en conclusion : « Une seule image ne suffit pas pour détecter des objets. »