« Certaines collectivités peuvent considérer l’implantation des data centers comme un mal nécessaire alors qu’elles peuvent en faire une réelle opportunité », résume Bruno Lafitte, expert Ademe data center. Il est l’auteur d’un récent avis d’experts intitulé : " Les data centers ou centres de données : au cœur de la transition numérique ". Le document s’adresse notamment aux élus locaux et évoque principalement les impacts, négatifs comme positifs, liés au déploiement d’un centre de données sur un territoire.
Côté impact négatif : « L’arrivée d’un data center sur un territoire a des impacts forts en captant une grande quantité d’électricité et plus modestement des ressources en eau », peut-on lire dans le document. « En Île-de-France, qui accueille un grand nombre de data centers, il y a des tensions sur le réseau électrique. C’est une vraie problématique », précise Bruno Lafitte.
Outre l’optimisation énergétique du centre de données, une solution pour un territoire peut être d’exploiter les batteries de secours de data centers afin « qu’elle participe activement au marché de la flexibilité de demande en électricité », indique l’Ademe. « Ainsi, par un dimensionnement adéquat de leurs alimentions de secours, les data centers peuvent réinjecter de l’électricité sur le réseau électrique quand cela est nécessaire. Certains opérateurs tels que Google sont en capacité de limiter la consommation de leur data center en période de forte charge du réseau électrique en reportant certaines tâches de calcul non critiques », peut-on lire dans le document.
La France moins concernée par l'impact sur la ressource en eau
Autre impact négatif : le data center peut consommer de la ressource en eau. « La consommation d’eau pour le refroidissement des data centers peut aussi s’avérer critique en période de forte chaleur et de stress hydrique notamment pour les data centers utilisant des systèmes adiabatiques pour leur production de froid ou le refroidissement de l’air de leurs salles informatiques», indique l’Ademe. Selon Bruno Lafitte, ces systèmes de refroidissement fort consommateur d’eau sont cependant minoritaires en France. Mais il s’agit cependant d’un point de vigilance à avoir en tête.
Enfin, l’implantation d’un centre de donnée nécessite du foncier disponible. Sa localisation peut donc soulever des enjeux d’aménagement du territoire. Et cette localisation peut susciter une opposition de certains habitants, notamment sur une éventuelle dégradation du cadre de vie (comme pour les éoliennes). « Il faut créer les conditions d’un bon accueil du centre de données auprès des habitants, en travaillant les impacts positifs du data center et en les partageant publiquement », poursuit Bruno Lafitte.
Valorisation de la chaleur fatale et attractivité du territoire
Selon l’Ademe, un des aspects les plus positifs de l’arrivée d’un data center sur un territoire est son potentiel de valorisation de chaleur fatale. « C’est un potentiel qui est d’ailleurs encore insuffisamment exploité », souligne Bruno Lafitte. Le principe est de récupérer la chaleur émise par le centre de données pour l’injecter par exemple dans un réseau de chaleur. A Saint-Denis, le Centre Aquatique Olympique (CAO) est ainsi connecté au réseau de chaleur du SMIREC (Syndicat mixte des réseaux d'énergie calorifique), lui-même alimenté en partie par un data center d’Equinix. « Nous sommes sur un territoire connu pour ses nombreux data centers », nous rappelait récemment Laurent Monnet, président du SMIREC (lire SCM N°62).
Autre aspect positif de l’arrivée d’un centre de données : « Cela peut être créateur d’emploi, notamment au niveau de la maintenance sur site, de sa sécurité physique et du nettoyage des locaux », précise l’Ademe. « Il peut aussi participer au développement d’un écosystème IT, et attirer des startups et autres acteurs du numérique ». L’Ademe évoque aussi un bénéfice en matière de souveraineté numérique. « Un data center de proximité permet d’héberger les données du territoire localement et ainsi de préserver sa maîtrise de la data » (lire notre dossier sur la souveraineté numérique dans SCM N°64).
Au final, un data center peut donc être « un atout d’attractivité pour le territoire », souligne l’avis d’expert de l’Ademe. A condition donc que son intégration territoriale soit bien menée. Dans une prochaine publication, attendue pour 2025, l’Ademe va proposer des KPI (indicateurs clés performance) pour que les collectivités puissent évaluer la pertinence des projets de data centers. « Il y aura des valeurs cibles à atteindre, par exemple sur la consommation énergétique. Ces KPI techniques permettront ainsi d’estimer les impacts positifs comme négatifs des projets des fournisseurs de data centers », conclut Bruno Lafitte.