Avec « Agir et Innover pour l’Eau », c’est un projet ambitieux dans le secteur de l’eau que vient d’entamer la métropole de Nice. Eau d’Azur, sa régie publique de l’eau et de l’assainissement, s’est associée à l’entreprise Xylem et à l’Université Côte d’Azur via le laboratoire Imredd, pour créer un hyperviseur dédié à l’eau. Cet outil d’aide à la décision offrira une vision à 360 degrés du secteur de l’eau et une gestion intégrée.
« Le contexte climatique, avec la multiplication des périodes de sécheresse et d’inondation, amène des tensions sur la ressource. Or, nous devons délivrer nos abonnés. Nous avons besoin d’avoir une vue d’ensemble et pour cela, la révolution du numérique est indispensable », explique Hervé Paul, vice-président de la métropole Nice Côte d’Azur en charge de l’eau, de l’assainissement de l’énergie et président de la Régie Eau d’Azur. Ce projet, qui a débuté en début d’année, s’étendra sur trois ans. « Il s’agit de notre plus gros contrat depuis la création de l’entreprise », souligne Victor Philippon, responsable des solutions digitales pour les réseaux d'eau et d'assainissement chez Xylem.
L’ambition est de construire un outil répondant à l’ensemble des besoins de la régie, mais aussi « à tout service de l’eau, quel que soit sa taille et sa maturité », assure Hervé Paul. Pour soutenir la réplicabilité de l’hyperviseur dans les territoires, l’Ademe apporte un soutien de 4,1 millions d’euros à ce projet qui s’élève à 5,6 millions d’euros, par l’appel à projet InnovEAU. Cet hyperviseur, que la métropole de Nice souhaite agnostique, interopérable et modulaire, sera basé sur trois couches informatiques : une pour la gestion de la donnée, une pour les modules métier et une pour les tableaux de bord stratégiques.
La première étape pour Xylem est de réaliser la photographie des outils et données pour savoir ce dont la régie dispose et comment interconnecter les informations. « Le problème majeur est que toutes les données sont en silos. Parfois, elle est même captive des producteurs », déplore Hervé Paul. Xylem intègrera ensuite le superviseur dont est dotée la régie depuis 2022 et harmonisera les données. Plus de 12 millions de valeurs sont traitées quotidiennement sur la plateforme actuelle (lire SCM n°58). Le socle sera alors posé pour développer cinq usages phares dans ce projet « Agir et Innover pour l’Eau ».
Une surveillance du manteau neigeux à la mer
Le premier usage concerne la réduction des fuites d’eau. « Ce sujet est déjà une préoccupation importante pour nous, nous avons investi plus de 200 millions d’euros dans la détection des fuites d’eau. Il nous faut à présent aller plus loin et déterminer quelle est la bonne section de canalisation à renouveler. Ce n’est pas si simple », raconte Hervé Paul. Pour y parvenir, Xylem va introduire l’analyse de l’acoustique et de la pression transitoire (pour identifier les coups de bélier, ndlr). La métropole de Nice est engagée dans le Plan Eau et s’est engagée à réduire de 10% ses prélèvement en eau d’ici 2030.
La gestion complète du cycle de l’eau, du manteau neigeux à la mer, constitue un deuxième volet. « Les risques de sécheresse seront prédits par le suivi de l’hydrologie et de la géologie. Le territoire comprend une zone urbaine dense mais aussi une zone rurale et des montagnes. C’est assez représentatif pour appliquer ensuite la solution à d’autres collectivités », précise Victor Philippon. La régie disposait déjà d’une application sur-mesure, AquaVar, pour modéliser le niveau des nappes phréatiques. Celle-ci sera élargie grâce aux données de l’hyperviseur.
Troisième pan permis par l’hyperviseur : le développement de la relation usager. La métropole de Nice déploie la télérelève pour équiper les usagers de compteurs communicants. « 20% de clients consomment à eux-seuls 80% de l’eau. Installer des capteurs permettrait de vérifier qu’il ne s’agit pas de dérive et de les alerter », indique Victor Philippon. Les 30 000 compteurs communicants prévus permettront d’établir un profil consommateur grâce à un historique de données d’un à deux ans. Une fois ce profil établi, les consommations anormales pourront être identifiées en temps réel.
Toutes les données sur l’eau de la métropole serviront à alimenter un jumeau numérique des réseaux d’eau. Quatrième usage de l’hyperviseur : les simulations, pour évaluer l’impact de travaux de renouvellement de canalisation ou les conséquences de sécheresse. Le jumeau numérique servira à prédire la situation en eau sur plusieurs jours ou semaines à l’avance.
Enfin, cinquième et dernier usage développé par la métropole de Nice : le pilotage des installations de production, de pompage et de distribution de l’eau pour en optimiser le fonctionnement. La métropole dispose notamment de 18 usines d’eau potable sur son territoire. « La régie de l’eau est aussi productrice d’énergie grâce à trois générateurs sur le réseau d’eau potable. Nous allons installer des panneaux solaires pour produire autant d’énergie que l’on en consomme », affirme Hervé Paul.
Pour tous ces usages, la métropole de Nice va définir des indicateurs de performance et va suivre l’impact environnemental du projet. La régie prévoit d’ores et déjà de diminuer son empreinte carbone de 1 ktCO2e par an, soit une réduction de 7%. Hervé Paul table sur un retour sur investissement en cinq ans. En parallèle, d’autres projets liés à l’eau fleurissent dans la métropole, comme la récupération des eaux de pluie pour leur réutilisation. Une citerne de stockage a été installée par le fabricant Labaronne Citaf. Pour la métropole, agir pour la préservation de la ressource coule de source.