Optimiser les consommations énergétiques des bâtiments reste une priorité forte des organisations territoriales. La motivation première reste l’envolée des prix des factures depuis la crise énergétique de l’hiver 2022. « Notre budget dédié a doublé de deux à quatre millions d’euros par an », illustre Mélissa Marchand, directrice du Patrimoine Immobilier au département de la Meuse. Les impératifs réglementaires, avec notamment le décret Tertiaire qui impose aux assujettis une réduction des consommations d'énergie d'au moins 40% en 2030, 50% en 2040 et 60% en 2050 par rapport à une année de référence comprise entre 2010 et 2019, en est aussi une raison. Le département de la Meuse a ainsi décidé de prendre le sujet à bras le corps. « Le département est la plus grosse collectivité, il doit donc avoir une expertise et un rôle de conseil auprès des communes », indique Mélissa Marchand.
La première action du département a été de reprendre la main sur le contrôle des CVC (pour Chauffage, Ventilation, Climatisation) des collèges, qui représentent 60% de son patrimoine immobilier de 250 000 m². « En réécrivant les marchés, nous avons réalisé une économie de 12% », se réjouit Mélissa Marchand. Pour aller plus loin dans la gestion énergétique, le département de la Meuse a fait appel à la start-up française Agora Software. « J’ai découvert leur solution à l’été 2023 et j’ai été séduite d’emblée par la simplicité d’usage de la plateforme, qui pointe les dérives », confie la directrice du Patrimoine Immobilier. Car la question énergétique est souvent considérée selon des préjugés : « Certains clients pensent que la température intérieure est liée à l’isolation. Or, elle est souvent due à une mauvaise programmation et à une surchauffe », constate Thierry Grenot, cofondateur et CEO d'Agora Software. Pour les écoles du département, l’objectif premier a été de veiller à ce que la consigne de chauffe à 19°C soit respectée.
Les équipes d’Agora Software ont procédé au déploiement d’objets connectés dans les 30 sites du département concernés par le décret Tertiaire. Ce sont 179 capteurs de conditions environnementales (qui mesurent à la fois la température, le CO2, la luminosité, etc.) et 15 passerelles en LoRaWAN qui ont été installés début novembre 2024. Leurs informations remontent en temps réel dans le cockpit de pilotage d’Agora Software. La plateforme agrège également les consommations énergétiques pour les corréler avec l’occupation des pièces et identifier les dérives. « Le déploiement n’a pris qu’une grosse journée mais il ne faut pas négliger le temps de préparation et d’explication », constate Frédéric Bisson, responsable commercial collectivités et chef de projet chez Agora Software.
4°C d’écart relevés
Les données ont permis d’identifier les priorités d’action et les installations obsolètes. « Dans certains bâtiments, nous avons enregistré quatre degrés d’écart par rapport à la consigne des 19°C. Nous avons un taux d’alignement de 86% avec la feuille de route du département, qui vise 95% à la fin de l’année pour réaliser 130 000 euros d’économies », souligne Mélissa Marchand. Jusqu’à présent, peu de contrôle étaient effectués, les techniciens devant vérifier manuellement chaque équipement. Avoir un accès à distance autonome et en temps réel à ces informations a mené le département à relever son niveau d’exigences de la part de son délégataire Idex. « Même eux n’avaient pas ces informations, ils nous ont demandé des droits d’accès au cockpit d’Agora Software pour faciliter leur travail », poursuit Mélissa Marchand.
L’un des atouts majeurs de la solution est « d’objectiver nos décisions par des données fiables », garantit Mélissa Marchand avant d’ajouter : « Cela accélère la conduite d’actions à des coûts maîtrisés. » Frédéric Bisson confirme que le ROI sera atteint en moins d’un an. Dans le cas du département de la Meuse, le projet de 36 700 euros a été financé à 50% par le dispositif Chêne. Plusieurs aides sont disponibles sur le marché, comme le programme EduRénov qui se focalise sur la rénovation des établissements scolaires.
L’obstacle à la mise en place rapide de projets d’économies d’énergie demeure « la manière d’appréhender le sujet », souligne Mélissa Marchand avant d’ajouter : « D’autres collectivités du Grand Est se demandent encore si elles doivent développer leur solution ou en tester certaines. Or, l’essentiel est d’agir rapidement. » Mélissa Marchand n’est pas la seule à faire ce constat. Natacha Monnet, directrice du projet de transition écologique et énergétique à la ville de Cergy (95), a fait un constat similaire lors d’un webinaire de l’entreprise Sobre Energie. Cergy a en effet rénové 8 de ses 15 écoles en 2024 tout en suivant leurs consommations via l’outil de l’entreprise Deepki.
Deux établissements et un gymnase suivront en 2025. Et Natacha Monnet de conclure : « L’effort est organisationnel. Il faut travailler sur la question des usages et nous avons préparé, avec notre économe de flux recruté en janvier dernier, un plan de sobriété pour garantir la réalisation d’économies d’énergie pendant les vacances de février. »