Le département du Doubs attire l’attention de collectivités. Son projet de jumeau numérique patrimonial, présenté fin février lors d’un webinaire organisé par la région Bourgogne Franche-Comté, représente une source d’inspiration. Un système d’information (SI) est créé en interne pour centraliser et visualiser toutes les données liées au patrimoine bâti, des consommations énergétiques aux opérations de maintenance, en passant par les informations financières et les normes. Grâce au BIM, un jumeau numérique présentera en temps réel les informations demandées par les agents de manière transversale. « Pour le département, il s’agit d’un projet de grande ampleur au vu de notre patrimoine : nous avons 576 861 m² de surface, soit 184 sites, dont 44 collèges », souligne Serge Rutkowski, vice-président du département en charge des ressources humaines, des bâtiments et des moyens généraux.

Le projet est né d’une demande de donnée en interne par un agent. « Cette donnée était manquante. Les équipes se sont aperçues que certaines opérations de maintenance n’étaient pas remontées à la personne chargée de mettre à jour l’Excel de suivi de l’état des bâtiments. Les demandes d’intervention, pour le changement d’un équipement par exemple, émanent par ailleurs d’une dizaine d’outils différents. C’est pour pallier ce manque de fiabilité de la donnée en centralisant les informations dans un système d’information patrimonial unique que mon poste a été créé en mars 2021 », raconte Oubeid Aloui, data manager et chef du projet au département. L’ambition de ce projet, piloté par la direction du patrimoine et de la logistique, est d’assortir ce système d’information à un jumeau numérique.

Un SI alimentant une dizaine de briques fonctionnelles

La première mission d’Oubeid Aloui, courant 2021, a été d’aller à la rencontre des métiers pour comprendre leurs besoins, leur manière de travailler et de faire remonter les données. Cela lui a permis de déterminer comment assurer les flux dans l’outil et de concevoir le système d’information. L’outil a notamment été paramétré avec l’ESN Sopra Steria. Un an après le début du projet, en avril 2022, le data manager s’est attelé à l’élaboration des pièces BIM et à alimenter le SI en constituant une base de données.

Cette dernière est la pièce centrale alimentant une dizaine de briques fonctionnelles (suivi énergétique des bâtiments, gestion des maquettes numériques, gestion des contrats, maintenance préventive…). L’interfaçage des outils entre eux (assistance administrative, SIG, et.) a représenté une deuxième grande étape, menée par le chef du projet avec l’aide d’Inetum. Trois personnes ont alors rejoint Oubeid Aloui pour constituer une équipe autour de lui.

Pour intégrer au SI les données IoT sur l’état des bâtiments, comme les températures dans les pièces ou la qualité de l’air, Oubeid Aloui a travaillé avec Advizeo. Cela l’a conduit à prend en compte les questions d’interopérabilité et de souveraineté – toutes les données sont stockées on-premise dans les serveurs du département. Les différents prestataires doivent donc désormais fournir des dossiers compatibles avec la base de données pour garantir des formats homogènes.

L’année 2024 a marqué le début du jumeau numérique. Geofit, qui a remporté le marché public pour ce volet, s’attache à numériser l’existant et les nouveaux projets : les archives, les plans, etc. L’opération doit se poursuivre jusqu’à la fin de l’année.

Une logique de mise en production

Concrètement, quand « on devra effectuer une opération de maintenance, on saura désormais quels matériels s’y trouvent, où passent les réseaux, ce qui se cachent derrière les cloisons, qu’est-ce qui est prévu réglementairement, etc. L’outil est devenu indispensable pour avoir une gestion fine de notre patrimoine », assure Serge Rutkowski. Par exemple pour l’amiante, une maquette 3D du bâtiment sera modélisée avec toutes les informations indispensables sur le minéral pour la gestion patrimoniale.

Ce projet de jumeau numérique patrimonial, dont le coût global s’élève à 2,2 millions d’euros, a bénéficié d’une subvention de 75 000 euros de la région Bourgogne-Franche-Comté et de l’aide européenne à 60% des dépenses éligibles à travers le Feder.

La principale difficulté dans un tel projet, pour Oubeid Aloui, tient dans la résistance au changement. « Il faut des ressources pour accompagner chaque utilisateur », conseille-t-il. Des formations sont organisées pour former les agents, notamment les secrétaires généraux des collèges, et des référents sont nommés dans toutes les directions. « Il faut que chacun l’alimente en permanence, comme pour l’IA. Le défi est d’assurer cette habitude dans le temps », reconnaît Serge Rutkowski. Pour s’assurer de l’adoption de cette nouvelle manière de faire, le département du Doubs a rendu obligatoire l’utilisation du système d’information pour les demandes des agents.

« Cela nous permet de mettre en œuvre une stratégie de mise en production et d’être passé de 60 utilisateurs lors du démarrage en mars 2024 à 300 utilisateurs à la fin des formations dans les autres directions, en octobre de la même année », indique le data manager. Plus de 400 personnes l’utilisent actuellement au quotidien et le SI fait des émules dans la région.

Lire dans SCM n°66 à paraître en mars prochain notre dossier « Quelles données pour quels jumeaux numériques ? »