« Le dérèglement climatique ce n’est pas, comme voudraient nous le faire croire certains populistes, une vue de l’esprit. C’est une réalité qui s’est imposée dans nos vies et qui va y prendre de plus en plus d’importance avec des conséquences souvent tragiques », a déclaré en préambule Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique. Elle présentait ce lundi 10 mars, la "version finalisée" du troisième plan national d'adaptation au changement climatique ou "PNAAC 3". « S’adapter au dérèglement climatique, c’est agir de manière rationnelle pour économiser de l’argent public, protéger la santé des Françaises et des Français, protéger leur patrimoine et leur emploi », a-t-elle précisé.
Rappelons que le PNAAC 3 fixe pour une période de 5 ans la doctrine de la France en matière d’adaptation climatique. Il intègre 52 mesures visant à préparer la France à un réchauffement pouvant atteindre 4°C. Ce scénario d’élévation de la température dans l’Hexagone est d’ailleurs le premier point notable du PNAAC 3. La « boussole » de ce plan national est en effet la TRACC (Trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique).
Actualisée en 2023, elle prend comme hypothèse l’augmentation moyenne de la température en France de 2 °C en 2030, 2,7 °C en 2050 et 4 °C en 2100 par rapport à l’ère pré- industrielle. « Cette trajectoire est devenue la trajectoire nationale de référence pour l’adaptation de la France au changement climatique. Elle sera précisée en 2025 pour définir des trajectoires de réchauffement pour les territoires ultramarins », peut-on lire dans ce texte de 388 pages.
Deuxième point notable, qu’avait fait notamment remarquer l’association Amorce lors de la consultation publique de 2024 : le volet déchets et économie circulaire est le grand absent de ce plan. « Pourtant, un véritable enjeu se joue autour de la gestion des déchets issus de catastrophes naturelles qui risquent d’augmenter en nombre et intensité », soulignait alors l’association.
200 actions concrètes articulées autour de cinq axes "cruciaux"
Le plan est structuré en cinq axes cruciaux, couverts par 52 mesures et 200 actions déjà réalisées ou à venir. Ces axes sont : protéger la population, assurer la résilience des territoires, des infrastructures et des services essentiels, adapter les activités humaines, protéger notre patrimoine naturel et culturel, mobiliser les forces vives de la nation pour réussir l'adaptation.
Les territoires sont concernés par de multiples mesures. Une des principales est le renforcement du fonds Barnier, créé en 1995 pour aider collectivités, petites entreprises et particuliers à financer les travaux nécessaires pour réduire leur vulnérabilité aux catastrophes naturelles. « Le fonds Barnier verra ses moyens renforcés de plus de 30 % et portés pour la première fois à 300 millions d’euros », indique le PNAAC 3.
Autre mesure qui concerne les territoires : la TRACC précédemment évoquée va prochainement avoir une valeur juridique. « Tout en ayant à l'esprit que les collectivités et les aménageurs tiennent déjà compte de cet enjeu dans leurs documents d'urbanisme, l'objectif est que les collectivités fassent de cette TRACC une référence dans leurs textes à chaque renouvellement à partir de 2027 ».
Une "Mission Adaptation " pour accompagner les élus
La mesure 25 du PNAAC 3 prévoit de « Lancer la Mission Adaptation, guichet unique d’ingénierie de l’adaptation à destination des collectivités locales ». L’idée est de créer en 2025 un point d’entrée unique rassemblant les offres et services d’adaptation d’opérateurs de l’Etat (BRGM, ADEME, Météo-France, CEREMA, Banque des territoires …). Parmi l’offre de cette Mission Adaptation : des formations à destination des élus et des chargés de mission en collectivités, de l’accompagnement de projets et une identification des financements publics existants. « Un bilan annuel du fonctionnement de cette Mission sera réalisé au niveau de chaque région et partagé avec le niveau national », souligne le PNAAC 3.
Outre ces mesures phares, d’autres concernent également les collectivités de manière directe ou indirecte. Parmi elles : la publication d’ici 2027 d’une cartographie des risques climatiques de chaque territoire ; le développement d’outils numériques pour un suivi opérationnel des prélèvements de l'eau ; l’intégration du confort d’été dans la construction et la rénovation de bâtiments publics ; le soutien au déploiement des réseaux de froid ; l’accompagnement des nouveaux usages des eaux impropres à la consommation humaine (réutilisation des eaux usées) ; la renaturation de 1 000 hectares d'espaces urbains chaque année ; la mobilisation de solutions d’intelligence artificielle au service de l’adaptation au changement climatique.
Des " belles intentions " mais quid du financement ?
Lors de la consultation, Amorce pointait déjà la problématique du financement de ce plan. « Peu de financements spécifiques sont prévus si ce n’est un abondement du fonds Barnier (…). Par ailleurs, quelques mesures envisagent d’orienter ou d’abonder les financements publics (programmes des Agences de l’eau, Fonds Vert, etc.) ce qui peut entrer en contradiction avec les coupes budgétaires et les orientations gouvernementales du Projet de loi de finances pour 2025 ».
Un point de vue partagé aujourd’hui par Nicolas Richard, vice-Président de France Nature Environnement (FNE), interrogé par l’AFP. Si ce plan présente « un certain nombre de bonnes intentions ». Mais il se « heurte au fait qu'on ne sait pas si elles sont financées et comment elles sont pilotées », a-t-il déclaré à l'agence de presse. « Il montre la bonne direction mais il lui manque une tête et des jambes », estime-t-il.