Simuler en fonction des récoltes les actions à effectuer pour garantir une agriculture durable quelles que soient les conditions météorologiques rencontrées. Ce sera bientôt une possibilité offerte aux agriculteurs. L’agence spatiale européenne (ESA) a signé un contrat avec Thales Alenia Space pour construire l’architecture d’un jumeau numérique combinant des données satellites issues de l’observation de la Terre et des indicateurs agronomiques, ainsi qu’une modélisation des cultures par jumeau numérique afin d’encourager les pratiques agricoles durables, par une meilleure gestion des ressources face au changement climatique.
Pour mener à bien le projet SaveCrops4EU, Thales Alenia Space a réuni un consortium d'entreprises européennes apportant leur expertise dans divers domaines complémentaires. Celui-ci inclut l'Institut luxembourgeois des sciences et technologies, responsable des aspects scientifique, ainsi que l'Université de Valence, experte en télédétection. Il rassemble également le Forschungszentrum Jülich, spécialiste des simulations en bio et géosciences, ainsi que le Centre wallon de recherche agronomique et CropOM, apportant leur expertise du secteur agricole.
Les équipes de Thales Alenia Space, supervisées par Sander Rouwette, travailleront à agréger les données pour orienter ce jumeau numérique nommé SaveCrops4EU sur trois axes : la surveillance avancée des cultures via les données satellites, la prévision des rendements à une échelle régionale par des modèles de croissance, et des modélisations prospectives sur le stress hydrique ou les inondations. Le travail de Sander Rouwette va consister à mettre en place et intégrer de manière interopérable trois composants : la plateforme, le datalake et l’architecture du jumeau numérique. « Le principal challenge reste l’expertise. Nous avons besoin d’un large éventail de compétences, en modélisation, en IA, en pratiques agricoles, etc. », confie Sander Rouwette, qui doit par ailleurs veiller à ce que les résultats soient exploitables par les utilisateurs finaux.
Une solution pré-opérationnelle fin 2026
Les missions d’observation de la Terre de l’ESA à travers les satellites Copernicus et Sentinel 1 et 2 enrichiront SaveCrops4EU avec des données de températures de surface ou sur l’évapotranspiration. « Nous intégrons de nombreux flux de données pour obtenir une image précise de la situation des terres cultivées. Le système est très compliqué à mettre en œuvre. Nous commençons ces trois prochains mois par une petite configuration sur les cultures les plus populaires en Europe, comme le blé d’hiver, l’orge ou la pomme de terre, et nous l’étendrons ultérieurement », détaille Sander Rouwette.
Les algorithmes serviront alors à effectuer des prévisions saisonnières, à la fois pour les responsables de marché agricoles que pour les banques et assurances. Le jumeau numérique permettra quant à lui de tester divers scénarios, et voir « ce qui se passe si l’on met telle quantité d’azote, pour ne pas en retrouver dans les eaux souterraines, ou si l’irrigation est plus espacée », indique Sander Rouwette.
SaveCrops4EU sera expérimenté dans quatre usages : la gestion de la fertilisation et en particulier de l’azote en Belgique, les évaluations d’assurances et les produits financiers en Hongrie, les impacts sur les prévisions de rendement des cultures de stratégies alternatives en Allemagne et le suivi du stress hydrique en Espagne. « Le programme est focalisé sur l’agriculture et il n’aidera pas directement les villes à anticiper la sécheresse mais d’autres difficultés découlent des situations agricoles et l’outil pourra aiguiller les collectivités dans leurs stratégies », estime Sander Rouwette.
Le projet doit s’achever fin 2026 par une solution pré-opérationnelle de gestion des cultures économiquement et écologiquement durable en Europe. « L’objectif en parallèle est d’impliquer les parties prenantes en les incitant à utiliser le numérique », confie Sander Rouwette. SaveCrops4EU s’inscrit dans le cadre de la stratégie Digital Twin Earth de l'ESA, qui ambitionne de créer des répliques numériques de la Terre afin de surveiller l’impact des activités humaines et naturelles sur la planète et d’anticiper les phénomènes extrêmes.
Thales participe à d’autres projets sur la thématique, notamment à Hydroscopia dans le cadre du consortium mené par la start-up française de traitement et de valorisation des données satellitaires Meoss pour produire à l’échelle nationale des indicateurs de suivi des parcelles irriguées et d’en offrir des comparaisons dans le temps.
Sur ce sujet, lire notre dossier « Quelles données pour quels jumeaux numériques » dans SCM n°66.